A son arrivée, mercredi 25 mai, Nadia Savtchenko était entourée d’une foule de journalistes. La pilote ukrainienne a adressé ses premiers mots aux « mères d’Ukraine ». | GLEB GARANICH / REUTERS
L’échange a eu lieu dans les airs. Partis quasi au même moment, mercredi 25 mai dans la matinée, deux avions, transportant, d’un côté, la pilote ukrainienne Nadejda Savtchenko détenue en Russie, de l’autre, Evgueni Erofeïev et Alexandre Alexandrov, deux prisonniers russes capturés en Ukraine, se sont croisés au-dessus des frontières des deux pays.
Les premiers, les Russes, montés à bord d’un Antonov 148, ont atterri sur l’aéroport de Vnoukovo à Moscou. Au même moment, le cortège du président ukrainien Petro Porochenko faisait route vers l’aéroport Borispol de Kiev pour accueillir celle qui, transportée dans un avion présidentiel, est devenue, après sept cent six jours derrière des barreaux russes, une véritable héroïne dans son pays.
Ce dénouement, attendu, est devenu réalité après que le président russe Vladimir Poutine et son homologue ukrainien ont « gracié » de part et d’autre les détenus. Après des semaines de pourparlers, l’accord a été définitivement scellé lors de l’entretien téléphonique qu’ont eu, quelques heures plus tôt, le 24 mai, les présidents russe, ukrainien, français et allemand, parrains des accords de paix en Ukraine, dits de « Minsk ».
« REPRENDRE L’OTAGE DES GRIFFES DE “MORDOR” »
Le principe de l’échange avait été convenu dès le 18 avril entre Vladimir Poutine et Petro Porochenko, le jour même de la condamnation des deux Russes par un tribunal de Kiev à quatorze ans de prison. « Nadia est rentrée en Ukraine ! (…) Je me réjouis avec l’ensemble du pays », a aussitôt réagi le chef de l’Etat ukrainien.
« Ce fut un chemin long et difficile, mais nous avons pu prouver qu’il n’y a pas de tâche impossible et nous avons pu reprendre l’otage des griffes de “Mordor” », s’est aussi félicité mercredi 25 mai sur son compte Twitter, Nikolaï Polozov, l’un de ses trois avocats qui ont fait preuve d’une pugnacité sans faille. Présente sur les lieux à l’aéroport de Kiev, la députée, Ioulia Timochenko, présidente de parti, a salué pour sa part cet « échange de prisonniers de guerre ».
A son arrivée, entourée d’une foule de journalistes, la pilote Nadiya Savtchenko a adressé ses premiers mots aux « mères d’Ukraine » : « Je ne ferai pas revenir les morts (…) mais je ferai tout mon possible pour que chaque enfant emprisonné soit libéré. Les héros d’Ukraine ne doivent pas mourir. a-t-elle déclaré. Grâce à vous tous, j’ai survécu. »
Détenue depuis juin 2014, « Nadia » Savtchenko, 35 ans, avait été condamnée par un tribunal russe à vingt-deux ans d’emprisonnement pour « complicité de meurtre » après la mort de deux journalistes russes tués en juin 2014 dans le Donbass, à l’est de l’Ukraine.
LES ACCUSÉS DE « TERRORISME » PAR KIEV
Mercredi, au moment de la libération de la pilote ukrainienne, le président russe Vladimir Poutine faisait savoir qu’il recevait les familles des deux journalistes : « Je tiens à exprimer l’espoir que de telles décisions, dictées en premier lieu par l’humanisme, vont conduire à un apaisement du niveau de confrontation dans la zone de conflit bien connue [le Donbass] et aideront à éviter des pertes terribles et inutiles. »
Evgueni Erofeïev et Alexandre Alexandrov, capturés le 16 mai 2015 lors de l’attaque d’un pont dans cette même région, ont été accusés de « terrorisme » et de « participation à une guerre d’agression ». Selon Kiev, les deux hommes faisaient partie d’une brigade des forces spéciales russes basée à Togliatti (sud de la Russie), ce que Moscou a toujours nié en affirmant qu’ils ne faisaient, alors, plus partie de l’armée russe.
Le sort des prisonniers échangés n’a pourtant peu à voir, comme en témoigne leur accueil dans leur pays respectif. Alors que les deux hommes ont été quasiment escamotés du regard des journalistes à leur arrivée, c’est une véritable haie de caméras qui attendaient la pilote ukrainienne. Nadia Savtchenko, élue députée de la Rada en octobre 2014 sur les listes du parti de Ioula Timochenko alors qu’elle se trouvait déjà sous les verrous en Russie, est devenue, au fil des semaines, une figure emblématique de la résistance contre « l’agresseur russe ».
Dotée d’un caractère bien trempé, elle n’a cessé de crier au complot en affirmant qu’elle avait été « enlevée » sur le territoire ukrainien, tout en menant plusieurs grèves de la faim. Le 9 mars, en pleine audience, elle avait adressé un bras d’honneur à ses juges.
Source Le Monde
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